top of page

L'entretien transversal

Romain

BADOUARD

Maître de conférences @UniversiteCergy

Médias, débat public, cultures numériques et innovations démocratiques #civictech#opengov #mobilisations#controverses

BIO EXPRESS via twitter

Les rumeurs et la désinformation ne sont effectivement pas des pratiques nouvelles. Pour autant, avec les "fake news", on assiste à trois phénomènes relativement nouveaux : d'abord leur utilisation à des fins de propagande politique (pour influencer l'opinion, notamment en situation de campagne électorale et en cela oui, les fake news sont une arme politique) ; ensuite leur industrialisation, portée par le modèle économique de Facebook (l'économie du clic), c'est-à-dire que pour certains réseaux (très organisés pour le coup), produire des fausses informations devient une activité très lucrative, en faisant venir sur des sites connexes des internautes qui cliquent sur les fake news sur Facebook, et ainsi les exposer à de la publicité ; enfin, le fait que ces fausses informations concurrencent directement les médias traditionnels (ce qui n'a jamais été le cas auparavant). 

L'intérêt de créer des fake news est donc triple : soit on cherche à influencer la population, soit on cherche à gagner de l'argent, soit tout simplement on le fait comme un passe temps, comme une "passion" (voir les réseaux complotistes a-politiques qui se considèrent comme des lanceurs d'alerte). 

Maintenant, il y a différentes façons d'interpréter le succès de ces fausses informations : soit les gens sont vraiment crédules (ils croient tout ce qu'on leur dit), soit ce phénomène est le signe extérieur d'un mouvement beaucoup plus profond (ce dont je suis convaincu). Lorsque l'on regarde les thématiques abordées dans les fausses informations politiques, elles parlent essentiellement de la mauvaise gestion des fonds publics, de la "trahison des élites", de la connivence entre les médias et la politique, bref, elles sont le nouveau symptôme d'un problème déjà ancien, celui de la défiance grandissante d'une partie de la population vis-à-vis des élites politiques et intellectuelles. En ce sens, selon moi, les fake news et leur succès peuvent être interprétés comme le signe extérieur d'une crise de la confiance politique, qui s'exprime par ailleurs via d'autres canaux (abstention aux élections, poussée des partis extrémistes, etc.)

Enfin, si les fake news sont un problème pour la démocratie (pour que le débat public fonctionne correctement, il faut que les citoyens aient accès aux mêmes informations), leur régulation l'est également. En demandant à Facebook de régler le problème, les autorités publiques sont en train de leur déléguer des pouvoirs de censure. Cela veut dire que des entreprises privées vont décider de ce qui peut se dire ou non sur leurs plateformes, qui sont par ailleurs devenues les portes d'entrée principales vers l'information (notamment pour les 18-25 ans). Ces entreprises n'ont aucune légitimité démocratique et ne doivent rendre de compte à personne, il est donc dangereux de les laisser décider seul de ce qui peut se dire ou non. Il faut rester vigilant sur ce point, car ce sont des enjeux importants pour l'avenir de la liberté d'expression

bottom of page